Jean Price-Mars
Pour Revisiter l'oncle : Maryse Condé, Dany Laferrière, Jean-Daniel Lafond, Raphaël Confiant, André Corten, Jean Bernabé, Léon-François Hoffmann, Maximilien Laroche, Jean Morisset, Romuald Fonkoua, Alain Anselin, Carlo A. Célius, Asselin Charles, J. Michael Dash, Lilian Pestre de Almeida, Milagros Ricourt, Eloise A. Brière, Kunio Tsunekawa, Joëlle Vitiello, Joël Des Rosiers, Françoise Naudillon, Hérold Toussaint, Christiane Ndiaye
Ainsi parla l'oncle suivi de Revisiter l'oncle
Essai
Le plus célèbre essai de la littérature haïtienne
Dany Laferrière
Ainsi parla l’Oncle, paru pour la première fois en 1928, est le premier manifeste de la condition noire. Cet ouvrage a influencé l’œuvre et la pensée des auteurs du mouvement de la négritude comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas. Pour penser le monde, pour comprendre les mécanismes de l’aliénation, soit du «bovarysme culturel», Jean Price-Mars a mis en avant les traditions, les légendes populaires, le vaudou et tout l’héritage africain qui fondent les cultures noires.
Réédité dans un nouveau format, avec une iconographie nouvelle (paysages et figures de l’Afrique et d’Haïti), cet ouvrage propose une relecture de cette oeuvre monumentale qui a servi de bréviaire aux intellectuels des peuples noirs. Pour penser le monde, pour comprendre les mécanismes de l’aliénation, soit du « bovarysme culturel », Jean Price-Mars a mis en avant les traditions, les légendes populaires, le vaudou et tout l’héritage africain qui fondent les cultures noires.
Ainsi parla l’Oncle est suivi du collectif Revisiter l’Oncle qui réévalue les incidences et résonances de cette oeuvre dans le monde entier. Revisiter l’Oncle accueille les textes de Maryse Condé, Dany Laferrière, Jean-Daniel Lafond, Raphaël Confiant, André Corten, Jean Bernabé, Léon-François Hoffmann, Maximilien Laroche, Jean Morisset, Romuald Fonkoua, Alain Anselin, Carlo A. Célius, Asselin Charles, J. Michael Dash, Lilian Pestre de Almeida, Milagros Ricourt, Eloise A. Brière, Kunio Tsunekawa, Joëlle Vitiello, Joël Des Rosiers, Françoise Naudillon, Hérold Toussaint, Christiane Ndiaye.
Au bout de ma quête, je devais trouver Alain Locke et Jean Price-Mars. Et je lus Ainsi parla l’Oncle d’un trait comme l’eau de la citerne, au soir, après une longue étape dans le désert, j’étais comblé…
Léopold Sédar Senghor
Ainsi parla l’Oncle illumine de manière magistrale les efforts que nos pères ont dû accomplir pour entrer (et nous après eux) dans le cercle interdit de l’humanité.
Maryse Condé.
Extrait du texte de présentation
Par Rodney Saint-Éloi
Le premier manifeste de la condition noire
À l’occasion du quatre-vingtième anniversaire d’Ainsi parla l’Oncle, paru en 1928, nous avons entrepris la réédition de cet essai qui, au fil du temps, s’est transformé en un véritable manifeste de la condition noire. Ce qui a motivé un tel choix, c’est d’abord le fait que ce classique ne soit plus en circulation. En outre, on peut y ajouter la remontée foudroyante du racisme, l’exclusion des groupes minoritaires et le retour de la ségrégation là où on la croyait disparue. Une situation de plus en plus complexe. Malgré les éditions successives (Compiègne, Imprimerie de Compiègne, 1928; New York, Parapsychology Foundation, 1954; Montréal, Leméac, 1973, 1979; Port-au-Prince, Imprimeur II, 1998), il semblerait que cet essai capital soit devenu un livre précieux, mais confidentiel, gardé jalousement par des collectionneurs ou des spécialistes de la négritude.
Cependant, la pensée de Price-Mars a continué son chemin dans le sillage du mouvement indigéniste qui a accompli son travail d’éveil de la conscience nationale. En remettant le vaudou à l’honneur et en chantant l’incessant labeur des paysans, nos poètes ont ravivé les souvenirs d’Afrique. On aurait pu en rester là. Dans l’extase de la commémoration du passé, si le présent ne nous avait pas rattrapés, avec l’échec des élites politiques, économiques et intellectuelles que Jean Price-Mars signalait déjà dans La vocation de l’élite.
Il est essentiel de revisiter cette voix puissante et généreuse qu’une grappe d’intellectuels avait jadis accueillie avec tant de ferveur . On se souvient qu’un Léopold Sédar Senghor avait comparé la pensée de l’Oncle à « l’eau de la citerne, au soir, après une longue étape dans le désert . » D’autres jeunes gens de cette génération de l’Occupation se sont lancés dans une défense et illustration de la race. Ainsi le poète Carl Brouard n’a-t-il pas juré dans le manifeste de l’École des Griots de faire d’Haïti le miracle nègre ?
Les recherches de Price-Mars l’ayant conduit à ce si triste constat que sa voix brisée retentit encore aujourd’hui : « L’homme le plus distingué de ce pays aimerait mieux qu’on lui trouve quelque ressemblance avec un Esquimau, un Samoyède ou un Toungouze plutôt que de lui rappeler son ascendance guinéenne ou soudanaise. »
La chronique de la négritude est ainsi annoncée
D’abord, le contexte : On est en 1928 en Haïti, c’est-à-dire dans l’entre-deux-guerres, sous la première occupation de l’île (1915-1934) par les marines américains, qui brûlent et pillent des villages entiers afin de venir à bout de la résistance paysanne menée par Charlemagne Péralte. Ce Charlemagne Péralte dont la mort survenue en 1919, dans des conditions tragiques, fera de lui un héros populaire. On n’est pas trop loin de la Campagne des rejetés entreprise par le clergé qui pourchasse les vaudouisants comme des sauvages inaptes à la civilisation. Une campagne qui, au nom de la sacro-sainte Église, vise la destruction des temples et des objets sacrés du vaudou.
C’est dans un tel environnement que surgit Jean Price-Mars, ce maître à penser qui formule le vœu légitime et pourtant si subversif à l’époque de « relever aux yeux du peuple haïtien la valeur de son folklore », permettant ainsi de mettre en valeur le vaudou, les contes et légendes populaires qui nourrissent l’imaginaire de ce peuple. Le combat est dans le recentrement des valeurs africaines longtemps considérées comme des tares ancestrales et dans la redéfinition de l’homme noir et de son passé d’esclave.
Price-Mars affirme ainsi une identité nègre, renverse les représentations et pose à sa manière, sans arguments essentialistes, les notions de race, de culture et d’identité. On y voit le prolongement de la mission assignée à la première république noire du monde dès le XIXe siècle par l’écrivain Hannibal Price dans son ouvrage Réhabilitation de la race noire par la République d’Haïti , qui entend donner à tous les Noirs du monde, par l’exemple d’Haïti, accès à l’égalité sociale avec les Blancs.
On pourrait relire l’histoire de la condition noire suivant deux grands cris : l’épopée de 1804, où les Nègres d’Haïti mettent fin à l’esclavage, accèdent à l’indépendance et à la liberté, et la parution d’Ainsi parla l’Oncle en 1928, quand Jean Price-Mars part en croisade contre l’aliénation, le racisme, le rejet du soi-nègre. À part ces deux moments, ne reste qu’un mélange de compromis, d’abandons, de ressentiments, de supercheries, de coups d’État, de dictatures, avec en arrière-plan les spectres des fausses idées du mulâtrisme et du noirisme.
Revisiter l’Oncle!
Comment aujourd’hui évoquer l’Oncle sans donner voix aux cousins, cousines, aux neveux et nièces, et à cette descendance si féconde tant en critiques qu’en éloges? Comme pour le père, il y a lieu de tuer l’Oncle, et d’assumer sa propre parole sur l’identité, la race, la culture et l’Afrique, d’autant plus que cet Oncle prodige, en vieillissant, avait fait preuve de complaisance avec la dictature de Duvalier, qui lui accorderait une pension spéciale. Nous avons convié auteurs, universitaires, critiques, à revisiter l’Oncle, à questionner cette voix quasi mythique. Chacun est intervenu en toute liberté suivant sa propre audace de penser. Paroles vives, fertiles, miraculeuses. Paroles d’ensemencement.
L’inventaire est là.
L’appel à contribution a été ainsi formulé : « Relecture de la pensée de Jean Price-Mars afin de réévaluer les incidences et résonances de l’Oncle… Ainsi parla l’Oncle, bien plus qu’une proposition identitaire, est une refondation de l’être noir, qui se reconnaît noir et qui est appelé à se réapproprier son corps et son imaginaire, en revendiquant à la face du monde sa complexité. Le combat racial et/ou identitaire ? Comment lire ou relire Jean Price-Mars aujourd’hui ?»
Ce collectif accueille le témoignage de vingt-quatre auteurs: Maryse Condé, Dany Laferrière, Jean-Daniel Lafond, Raphaël Confiant, André Corten, Laënnec Hurbon, Jean Bernabé, Léon-François Hoffmann, Maximilien Laroche, Jean Morisset, Romuald Fonkoua, Alain Anselin, Carlo A. Célius, Asselin Charles, J. Michael Dash, Lilian Pestre de Almeida, Milagros Ricourt, Éloïse A. Brière, Kunio Tsunekawa, Joëlle Vitiello, Françoise Naudillon, Joël Des Rosiers, Hérold Toussaint, Christiane Ndiaye.
À tous les collaborateurs, nous disons merci d’avoir accepté le pari de retourner à la case de l’Oncle, de dépoussiérer les vieux cahiers et de repenser, avec élan et passion, l’enthousiasme et l’espoir d’un monde neuf à venir.
Rodney Saint-Éloi
Montréal, janvier 2009.
15,2 x 22,8 cm • 520 pages
ISBN 978-2-92371-303-8
Paru en 2009
Première parution d'Ainsi Parla l'oncle : 1928