Intercompréhension des langues dans la Caraïbe : bilan, évaluation et propositions

Renauld GOVAIN

Langue, Société, Éducation Université d’État d’Haïti rgovain@yahoo.fr

 

RÉSUMÉ

Le projet d’Intercompréhension (IC) des langues dans la Caraïbe est lancé en 2008 sous l’impulsion de la CORPUCA avec l’appui financier de l’AUF. Trois séminaires de réflexion se sont suivis (2008, 2012, 2013) mais rien de concret n’est sorti. Les universités impliquées dans le projet n’agissent guère dans le sens de sa réalisation, étant entendu que le problème de budget est son plus grand handicap fable. Néanmoins, cette IC est nécessaire pour cette Caraïbe multilingue et multiculturelle qui affiche ces dernières décennies une volonté indéniable de regroupement, se créant des associations d’ordre politique : l’Association des États de la Caraïbe (AEC), la Communauté d’États latino-américains et caribéens (CELAC) ; économique : le Marché commun caribéen (CARICOM) ou la Banque caribéenne de Développement (BCD) ; universitaire : la Conférence des Recteurs et Présidents d’Universités de la Caraïbe (CORPUCA), etc. Nous essaierons ici de dégager des voies et moyens pour faire avancer le projet.

 

ABSTRACT

Languages intercomprehension in the Caribbean : assessment, evaluation and proposals

The project of languages Intercomprehension in the Caribbean started in 2008 under the leadership of CORPUCA with the financial support of AUF. Three seminars of reflection followed (2008, 2012, 2013), but nothing has yet been concluded. The universities which involve in the project don’t act in the direction of its achievement, given that the budget problem is its biggest handicap. However, this intercomprehension is a necessity for this multilingual and multicultural Caribbean that displays these recent decades an undeniable movement of unification, by creating associations of various orders : political like the Association of Caribbean States (ACS), and the Community of Latin American States and Caribbean (CLASC) ; economic

: the Caribbean Common Market (CARICOM) and the Caribbean Development Bank (CDB) ; university : the Conference of Rectors and Presidents of Universities of the Caribbean (CORPUCA), etc. In this article I try to identify ways and means to advance the project.

 

MOTS-CLÉS : Intercompréhension, créole, didactique, Caraïbe multilingue et multiculturelle, évaluation. KEYWORDS : Intercomprehension, Creole, didactic, multilingual and multicultural Caribbean, evaluation

 

 

1. Introduction

 

La Caraïbe est une région multilingue et multiculturelle où sont pratiquées des langues romanes : l’espagnol et le français ; germaniques : l’anglais et le hollandais ; les créoles à bases lexicales fran- çaise [CBLF] (Haïti, Martinique, Guadeloupe, Dominique, Guyane, Sainte-Lucie, etc.) ; anglaise (Ja- maïque) ou hollandaise [majoritairement] (Curaçao), etc. Cette région se crée, dans son fonctionne- ment géopolitique et pour mieux s’inscrire dans la mondialisation, des associations d’ordre politique : l’Association des États de la Caraïbe (AEC) ou la Communauté d’États latino-américains et caribéens (CELAC) ; économique : le Marché commun caribéen (CARICOM) ou la Banque Caribéenne de Développement (BCD) ; universitaire : la Conférence des Recteurs et Présidents d’Universités de la Caraïbe (CORPUCA), etc.

Le fonctionnement de cette région ainsi constituée fait naître un besoin accru d’intercompré- hension (IC) entre ses membres aux langues et cultures différentes, mais qui sont liés par l’histoire, l’écologie et la géopolitique. Cela étant, cette diversité idiomatique et culturelle constitue à la fois une richesse et une barrière pour la communication entre les Caribéens. Aussi la CORPUCA, en col- laboration avec l’AUF, a-t-elle mis en place un projet d’IC des langues dans la Caraïbe qui, depuis 2008, réfléchit à la mise en place d’un dispositif didactique devant faciliter ce projet.

Où en est-on dans la mise en place de ce dispositif après l’organisation de ces trois séminaires ? Quel bilan tirer de cette expérience ? Quelles difficultés y rencontre-t-on ? Comment avance-t- on dans sa mise en place ? Qu’est-ce qui bloque les réflexions et qui fait qu’on n’aboutit pas (en- core !) au but visé ? Quel rôle la CORPUCA et le CARICOM peuvent jouer dans la mise en place de ce dispositif ?

Dans cette présentation, je passerai en revue cette expérience d’IC en contexte caribéen dont je ferai une évaluation-bilan du processus tout en essayant d’apporter des éléments de réponse aux questions ci-dessus posées plus haut et en allant au-delà. En termes de perspectives, je proposerai une démarche pour l’élaboration d’un dispositif didactique capable d’y conduire tout en détermi- nant des voies et moyens pour y parvenir. Notre analyse portera sur des données factuelles issues de la mise en place du dispositif. Cela étant, la parole sera aussi donnée aux acteurs principaux dont l’AUF. J’indiquerai comment la CORPUCA et le CARICOM peuvent s’impliquer dans le projet en vue de favoriser l’expérimentation du processus d’interaction plurilingue qui doit caractériser cette expérience d’IC dans la Caraïbe plurilingue.

 

 

2. Bref historique et bilan du projet d’IC dans la Caraïbe

 

Comme indiqué en introduction, la CORPUCA en partenariat avec l’AUF a conçu un projet d’IC dans la Caraïbe. Ainsi, ils ont organisé en Martinique, les 2-5 décembre 2008 un premier sé- minaire-colloque sous le thème « L’intercompréhension des langues dans la Caraïbe : un besoin, un défi » dont l’objectif principal a été de parvenir au développement d’un dispositif didactique devant y conduire. Deux autres séminaires se sont suivis : l’un à Santo-Domingo sous le thème

« L’intercompréhension des langues dans la Caraïbe : formation de formateurs », les 26-29 mars 2012 ; et l’autre en Martinique sous le thème « Intercompréhension des langues et des cultures dans la Caraïbe », les 4-5 décembre 2013.

Depuis 2009, à chaque assemblée générale annuelle de la CORPUCA, les recteurs ou leurs représentants organisent un atelier de travail en intercompréhension. De là, se dégage à chaque fois une bonne idée et une vraie vision de l’importance de ce projet et l’intention de le conduire à son plein développement et les engagements se renouvellent. Il est peut-être intéressant de souligner que les langues qui sont convoquées dans cette expérience à une échelle très fermée sont le fran- çais, l’espagnol et le CBLF d’Haïti et des Antilles françaises. Comme nous le verrons plus loin, il n’y pas (encore !) d’université anglophone membre de la CORPUCA. Tous les participants sont a priori francophones (ou « francophonisants »). La plupart sont hispanophones de naissance et une majorité créolophone de naissance.

Cela étant, cet atelier en IC ne peut guère donner une bonne idée de ce que peut être le dérou- lement d’une vraie situation de communication en intercompréhension : les Haïtiens, à ce niveau, qui sont dominants à la CORPUCA, pratiquent généralement l’anglais  et/ou  l’espagnol  à  côté du français et du créole. Dans leur scolarisation, ils ont étudié ces deux langues étrangères (LE) pendant les 7 années de la scolarisation du secondaire. Et, pour des besoins de communication en matière de coopération universitaire notamment – lorsque leurs études universitaires de 2e et 3e cycles n’ont pas été faites dans des systèmes anglophones ou hispanophones – ils sont souvent obli- gés d’apprendre ces langues… Les représentants de l’UAG sont aussi créolophones en plus d’être francophones. Ils connaissent aussi l’anglais, généralement. Les Cubains et les Dominicains sont



 

des « francophonisants ». Les réunions de la CORPUCA, rappelons-le, sont animées en français, ce qui revient à considérer cette langue comme la langue de travail ou la langue officielle de facto de cette conférence des recteurs. Il est peut-être important de souligner que le CBLF est majoritaire à la CORPUCA et au CARICOM.

Lors des séminaires, il y a lieu de toujours constater un très grand intérêt qui anime les par- ticipants à vouloir tout faire pour conduire le projet à bon port. Mais une fois la manifestation terminée, la flamme semble s’éteindre. Il s’avère ainsi difficile de le faire avancer comme on serait en droit de l’attendre. D’où vient cette lenteur ? Comment insuffler un nouveau dynamisme ou un nouvel élan à ce projet d’une grande importance pour une Caraïbe qui se regroupe de plus en plus ? Quelle orientation méthodologique ou technique donner à la démarche pour y parvenir ? Comment sensibiliser, responsabiliser et impliquer davantage nos universités caribéennes dans le projet afin de l’amener sinon au but souhaité, du moins très proche de ce but ? Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire dans l’immédiat en vue de résoudre le problème qui empêche d’avancer dans le sens de l’élabora- tion du dispositif ?

L’un des problèmes pourrait, à notre humble avis, être le fait que les universités impliquées dans le projet n’y ont pas fait la place qu’elles auraient dû. Elles devraient mener des actions qui toucheraient à leur gouvernance même. Par exemple, il faudrait agir sur les ressources humaines en vue de susciter l’intérêt chez les collègues qui s’y consacrent et aussi agir sur les compétences dis- ponibles en formant les collègues qui veulent s’y impliquer. Il demeure entendu que ces collègues doivent avoir les compétences de base requises en matière d’approches théoriques en linguistique et en didactique des langues, voire en didactologie des langues-cultures (pour reprendre une notion de Robert Galisson). Car il faut des enseignants disponibles pour animer les cours et activités d’IC.

D’autre part, toujours par rapport à cette question de gouvernance, il se posera aussi le pro- blème de budget. Toutes ces actions que nous proposons nécessitent de l’argent pour se mettre en place. C’est sûr que dans la gouvernance d’une institution comme un centre d’enseignement supé- rieur il y a toujours des projets qui, de temps en temps, viendront s’imposer aux différentes équipes, ce qui va agir sur le budget de fonctionnement de l’institution. Cela étant, il se pose le problème d’établissement des priorités. Il serait dès lors intéressant que nos universités caribéennes fassent de ce projet d’IC l’une de leurs priorités. Sinon, on risque de connaître des passages à vide et nous ne ferons que tourner en rond.

 

 

3. Prise en compte des créoles dans le processus ?

 

Lors du deuxième séminaire d’IC dans la Caraïbe tenu à Santo Domingo, il a été proposé la prise en compte du créole dans le dispositif à mettre en place. Cette proposition a été bien accueil- lie. Mais il y a un certain nombre de questions qui n’ont pas été posées. Par exemple, quelle(s) variété(s) de créoles adoptée(s) ? Suivant quels critères on pourra déterminer telle ou telle variété à privilégier ? Ou bien sont-ce toutes les variétés de créoles qui vont être prises en compte et suivant quel ordre de priorité ? Et comment établir cette priorité, puisque toutes les variétés ne pourront pas être prises en compte au même moment ? Même pour les CBLF, le problème n’est guère résolu car l’intelligibilité n’est pas immédiate. Ainsi, la situation de communication entre des Caribéens (des Haïtiens, des Martiniquais, des Guadeloupéens, des Saint-Luciens, des Dominiquais, par exemple) s’exprimant en créole est déjà une situation d’IC.

 

En effet, en rapport avec ces langues européennes dont les locuteurs ont colonisé la plupart des îles caribéennes sont nés des CBLF (Haïti, Martinique, Guadeloupe, Dominique, Guyane [si l’on considère le grand arc caribéen, ce qui a donné naissance à la notion de la « grande Caraïbe » qui est opérationnelle à l’AEC et au CARICOM], Sainte-Lucie, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, etc.) ;



 

anglaise (Jamaïque, la Grenade, la Barbade, Trinité et Tobago, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua, Saint-Christophe-et-Niévès, Montserrat, la Guyane anglaise dite Guyana, etc.) ou hollan- daise [majoritairement] (Curaçao, Aruba et Bonaire) ; au Suriname sont pratiqués le saramaccan et le sranan tongo, etc.

De fait, à l’Université de la Havane (UH), deux collègues : Rita Gonzalez et Eric Hernandez, ont entamé une expérimentation à partir du créole haïtien (CH). Mais ils sont confrontés à certaines difficultés. C’est du moins ce qu’ils ont indiqué dans une communication au séminaire de décembre 2013 (en Martinique) sous le titre de « L’intercompréhension des langues : un chemin parcouru et des voies à ouvrir ». Le volet « des voies à ouvrir » du sujet concerne l’élargissement de l’expé- rience aux créoles en partant du CH.

Les difficultés majeures rencontrées sont les suivantes : il n’y a pas d’enseignant de créole à l’UH. Les collègues ont donc établi des relations avec un enseignant de l’Association Caribéenne de Cuba, qui fait des cours mais qui n’est pas toujours disponible à respecter l’horaire établi qui, parfois, entre en conflit avec d’autres activités de l’association. En outre, cet enseignant n’est guère formé aux techniques d’IC. Ainsi, il nécessite, pour ainsi dire, une certaine actualisation de sa maî- trise du CH qu’il enseigne dans le cadre de cette expérimentation. Il est certes d’origine haïtienne, mais il n’a pas encore visité Haïti. Or la variété de créole qu’il a apprise de ses grands-parents n’est pas exactement celle qui est pratiquée en synchronie par les Haïtiens. Il lui faudrait développer des compétences plus actualisées à travers une « plongée dans la pratique du créole en Haïti » soit sous la forme d’une immersion, soit sous celle d’une formation intensive conçue à cette fin, ce qu’admettent les collègues de l’UH. Une autre difficulté est celle de la documentation et d’outils didactiques disponibles pour faciliter l’expérience. Les collègues travaillent actuellement sur le choix de documents authentiques, notamment des documents écrits pour l’expérimentation de cette première étape.

Il se pose certainement la question de la filiation linguistique du créole, jusque-là les expé- riences d’IC se basant notamment sur les langues indo-européennes, notamment des langues ro- manes. Des auteurs, dont Jules Faine (1937), voient certes dans le créole la dernière née des langues romanes, ou encore, Suzanne Sylvain (1936) voit dans le CH « une langue africaine à vocabulaire français ». Cette thèse substratiste de Sylvain est confortée par celle de la relexification de Claire Lefebvre (1998) ou encore, bien avant celle-ci, Charles Fernand Pressoir (1947) qui partage l’avis que le créole est une langue mixte à vocabulaire français agencé suivant des bases syntaxiques de substrats africains… le débat n’est toujours pas clos. Bien avant, Lucien Adam (1883) a vu dans les créoles guyanais et mauriciens des idiomes négro-aryens.

Il existe certes des spécificités lexico-sémantiques, phonologiques et syntaxiques propres à chacune des variétés. Mais l’intelligibilité mutuelle entre les CBLF de la Caraïbe est un atout. Il ne faudrait pas voir dans le choix du CH qui s’est imposé pour cette expérience cubaine la volonté de parvenir à l’établissement d’une norme centralisatrice, ce qui serait, en quelque sorte, à l’encontre de l’esprit même de l’IC. Ce choix est sans doute dû à des relents historiques particuliers faisant du CH la variété des CBLF qui s’est développée assez tôt comparativement aux autres variétés. En effet, cette langue créole a accompagné les esclaves de Saint-Domingue dans leurs luttes anti-es- clavagistes. Il semble suivre, de ce point de vue, le même rythme que le mouvement émancipateur qui a vu émerger une conscience et une identité nationales chez les masses d’esclaves. Comme nous l’avons indiqué dans Govain (2013a), on pourrait expliquer cette portée naturelle vers le CH par les cinq raisons suivantes :

1.       Il est la variété de CBLF qui possède le plus grand nombre de locuteurs (natifs) : population locale de 10 millions d’habitants, ajoutés à une communauté diasporique forte de 4 millions ;

2.       Il  est  le  premier  créole  à  avoir  acquis  un  degré  de  grammatisation  avancé  ;  la grammatisation étant un « processus qui a conduit à décrire et à outiller une langue sur la base des deux technologies, qui sont encore aujourd’hui les piliers de notre savoir métalinguistique : la grammaire et le dictionnaire » (Auroux, 1994 : 109). De l’avis d’I. Vintila-Radulescu  (1979  :  95),  «  le  créole  haïtien  semble  avoir  acquis  un  certain

« prestige » bien avant les autres variétés du créole français. Au début du XIXe siècle, on le jugeait même digne d’être utilisé dans la vie publique ». Il est la variété de créole qui a atteint le plus haut niveau de standardisation et d’instrumentalisation (Valdman, 2005) ;

3.       Il est le premier à être élevé au rang de langue officielle (Constitution de 1987) ;

4.       Il est le premier à être officiellement introduit dans le système scolaire à la fois comme langue enseignée et langue d’enseignement (avec la réforme éducative de 1979) ;

5.       Il est la variété de CBLF la plus diffusée à l’étranger à travers la migration des Haïtiens un peu partout dans le monde, notamment en Amérique du Nord et dans les Caraïbes.

Il est certain que les créoles sont des langues les plus parlées dans la Caraïbe. De ce point de vue, leur prise en compte dans le projet s’avère utile. Cependant, il est important, quand on doit prendre une décision, de poser la question de son utilité ou sa nécessité, sa popularité, sa repré- sentativité, son applicabilité, sa durabilité. La quasi-totalité de ces conditions est réunie, sauf celle de l’applicabilité, en rapport avec ce que nous venons d’expliquer sur la diversité des créoles pra- tiqués dans la Caraïbe. Mais la prise en compte du créole peut constituer une expérience propice à l’émergence d’une créolophonie institutionnelle, la naissance du créole s’inscrivant déjà dans une dynamique d’IC, ce qui fait que la « créolisation et l’intercompréhension nourrissent des liens étroits d’affinité » (Degache, 2009 : 95).

 

 

4. Pour une unité expérimentale d’initiation à l’IC : le rôle de la CORPUCA

 

Deux institutions caribéennes en particulier pourraient se charger de la conception, expérimen- tation et la mise en œuvre du dispositif d’IC dans la Caraïbe : la CORPUCA pourrait prendre en charge la question des moyens humains, de la recherche, de l’expérimentation et de la vulgarisation alors que le CARICOM avec l’AEC pourraient aider au niveau des moyens matériels, financiers pour sa mise en œuvre. L’accompagnement financier de l’AUF (comme à chaque séminaire) serait d’une grande utilité. De par son statut associatif, la CORPUCA n’a pas de moyen financier pour exécuter pareil projet. C’est le bureau Caraïbe de l’AUF qui lui fournit les moyens de sa politique. Mais son expertise est ici à mettre à contribution !

La CORPUCA est créée le 6 avril 2001, sur le campus de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG), à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), en présence de Michèle Gendreau-Massaloux, alors rectrice de l’Agence universitaire de la Francophonie. Elle a pour mission de renforcer la coo- pération en matière de formation universitaire et de recherche, et les mobilités interuniversitaires qui sont leur corollaire. Elle définit les priorités de la coopération, identifie et met en place des for- mations régionales d’excellence au sein de ses établissements. La CORPUCA est composée de 13 membres : 9 universités haïtiennes, 2 universités dominicaines, 1 université cubaine et 1 université française établie dans les DFA : l’UAG.

Haïti : 1. Centre de Techniques et d’Economie Appliquée ; 2. Ecole Nationale Supérieure de Technologie ; 3. Ecole Supérieure d’In- fotronique d’Haïti ; 4. Institut Universitaire Quisqueya Amérique ; 5. Université Caraïbe ; 6. Université d’État d’Haïti ; 7. Université Notre Dame ; 8. Université Quisqueya ; 9. Université Publique du Sud aux Cayes ; Rép. Dom. : 10. Université APEC ; 11. Université Pontificale Catholique Madre y Maestra ; 12. Cuba : Université de La Havane ; 13. UAG : Université des Antilles et de la Guyane 

Il n’y a pas d’université anglophone membre de la CORPUCA. Or, la participation d’universi- tés anglophones dans l’élaboration, l’expérimentation et la mise en place de cette didactique d’IC serait très importante. Car, il s’agit d’un dispositif qui est appelé à prendre en compte l’ensemble des langues véhiculaires de l’espace caribéen. Il serait peut-être intéressant que les dirigeants ac- tuels de la CORPUCA se donnent pour mission d’intégrer dans l’association d’autres institutions universitaires d’autres pays caribéens (notamment anglophones) qui pourraient rivaliser avec cette surreprésentation haïtienne. Ici, nous visons notamment la University of the West Indies (UWI).

Le projet d’IC dans la Caraïbe est une réflexion ouverte, utile et nécessaire qui peut se conce- voir de manière holistique, se fondant sur une approche pluridisciplinaire – voire des approches plurielles pour reprendre une expression du titre même de M. Candelier et al (2007) – en consi- dérant que les langues et les cultures qu’elles servent à véhiculer sont égales. Le dispositif ne se construira pas sans prendre en compte les différentes expériences ou méthodes en cours ou déjà réalisées dans le champ expérimental de l’IC telles galatea, galanet, galapro, etc., dont on pourrait très largement s’inspirer en contexte caribéen.

L’IC doit conduire le locuteur à dépasser son cercle linguistico-culturel d’origine pour s’initier à d’autres modes linguistiques et culturels de communication. Parler d’harmonisation des pratiques linguistiques de la Caraïbe revient à reconnaître la nécessité de la mise en place d’un dispositif d’appropriation des langues en visant le développement de compétences plurilingues et pluricul- turelles chez les Caribéens appelés à circuler dans cet espace multilingue et multiculturel. Et la CORPUCA, à travers son réseau d’universités, serait la structure tout indiquée pour sa conception, son expérimentation et sa mise en œuvre.

Dans Govain (2014), il est proposé que 100 étudiants de 1re année d’université soient retenus pour mener la phase expérimentale sur une période de 6 mois : 25 par langue, les langues pratiquées dans la Caraïbe étant l’anglais, l’espagnol, des créoles et le français. Il est important de considérer les 25 car il est possible qu’il y ait des déperditions. On s’assurera qu’ils ne connaissent pas ou presque les 3 autres LE concernées. Cette phase expérimentale peut être divisée en 3 étapes : 1. étude des représentations et perceptions des locuteurs des langues et du projet IC en soi ; 2. concep- tion d’un dispositif provisoire en prenant en compte les résultats de cette première phase ; 3. début véritable des activités en IC.

Au bout de cette 3e étape, on procédera à l’organisation d’un séminaire-colloque en vue de partager les expériences et travailler à la mise en place de la didactique véritable de l’IC dans ce contexte particulier par l’évaluation des dispositifs expérimentaux mis en place et de leurs résultats. On évaluera l’expérience en comparant les résultats pour les 4 groupes en rapport avec chacune des langues en cause en vue d’étudier l’adéquation du dispositif avec les objectifs visés dans le cadre de l’expérimentation. De l’avis de P. Chardenet (2007) « On ne peut séparer le processus d’inser- tion curriculaire de l’approche en intercompréhension, des conditions de sa réception scientifique dans les champs de savoir qu’elle implique, et d’une analyse stratégique des systèmes d’action en matière de dispositif de formation ».

Chardenet,  P.  (2007).  De  quelques  conditions  au  développement  de  la  notion  d’intercompréhension,  disponible  sur  : http://www.dialintercom.eu/.

Dans l’expérimentation, chaque université impliquée choisira de travailler à partir d’une langue qui n’est pas d’un usage courant dans la communauté où fonctionne l’institution. Par exemple, le Cuba enseignera à partir du CH (comme il commence déjà) ; l’UEH et l’UAG privilégieraient l’es- pagnol (la UWI peut travailler sur le CH aussi) ; les collègues dominicains prendraient en charge le français.

Nous partons de l’hypothèse que dans toutes formes d’apprentissage, les apprenants mettent en œuvre des stratégies leur permettant de s’approprier la réalité linguistique. Cette expérimenta- tion serait l’occasion d’identifier, d’analyser et de modéliser ces stratégies en vue d’interpréter et de comprendre des discours produits dans les LE. Cela guidera la conception et la mise en place de la didactique en permettant de dégager les stratégies transférables d’une langue à l’autre, en travaillant dans le même temps la notion de répertoire plurilingue et, en précisant les stratégies spécifiques de l’IC suivant les langues en cause.

On amènera les étudiants participant à l’expérimentation à réaliser que la pratique des langues n’est pas quelque chose d’héréditaire et que ces dernières sont aussi des produits culturels et qu’en tant que tel elles sont appréhensibles par les sens à partir de techniques didactiques spécifiques et d’un certain entrainement. On ne parle pas une langue parce que nos parents la parlent ou que nos arrière-grands-parents l’ont pratiquée. On l’hérite du milieu dans lequel on a vécu assez tôt jusqu’à un certain âge de sa vie. On peut apprendre un nombre considérable de langues auxquelles nous sommes confrontés sur une période relativement conséquente. À force d’être confronté à des langues dans notre environnement communicatif, on peut être amené à pouvoir déchiffrer ce qui y est formulé lors même qu’on ne serait capable d’y répondre. Mais on peut répondre dans sa propre langue et l’interlocuteur lui, aussi, peut comprendre ces messages que nous émettons dans nos propres langues et réagissent dans leurs langues à eux et ainsi de suite.

La didactique de l’IC est au service non des langues elles-mêmes mais des locuteurs qui s’en servent pour circuler à l’intérieur de la Caraïbe globalisée. Elle assure la mise en évidence et la consolidation de passerelles inter-linguistiques permettant aux locuteurs de communiquer en LE. L’IC peut amener les Caribéens à mieux se connaître en accédant aux cultures et aux langues des uns et des autres. Ainsi, elle est à inscrire dans le cadre d’une politique de gestion des langues de la région en impliquant le partage des différences. Cette didactique d’IC repose sur une vision dy- namique des rapports linguistiques en situation d’alloglossie. Elle répond à un besoin d’adaptation linguistique, comme le souligne P. Dahlet (2008 : 26) :

 

La fondation de ces nouvelles identités régionales suppose ainsi le partage des langues, pour structurer un imaginaire dans lequel se retrouvent les valeurs de tous et de chacun. Au-delà de ces ensembles régionaux, il faut aussi compter avec les nouvelles exigences plurilingues des espaces linguistico-culturels qui, sans coïncider avec un territoire, un mar- ché et/ou une armée, imaginent et multiplient les possibilités de multi-appartenances et de gouvernance pluri-apparentée.

 

4.1. Contribution de l’université haïtienne

 

Par ailleurs, par rapport aux difficultés auxquelles sont confrontés les deux collègues de l’UH dans l’expérience qu’ils ont débutée, l’Université d’État d’Haïti (UEH) peut être d’une certaine utilité. Ainsi, le projet d’IC dans la Caraïbe se présente comme un lieu de coopération universitaire. L’UEH pourrait établir une forme de coopération avec l’UH qui se lance déjà dans ce projet mais qui se trouve en proie à certaines difficultés pratiques. Il existe déjà des accords de coopération institutionnelle dans d’autres domaines entre les deux pays. Par exemple, le 17 novembre 2011, les présidents des deux pays ont paraphé, lors d’une visite du président haïtien à Cuba, trois nouveaux accords dans les domaines de la santé, l’éducation et de l’atelier (entretien des équipements des tra- vaux publics, du transport gratuit des écoliers…). La coopération haïtiano-cubaine concerne aussi les domaines de l’agriculture, l’environnement, la pêche et le sport.

Dans le cadre de cette coopération entre l’UEH et l’UH, des collègues cubains pourraient aider leurs homologues haïtiens dans la préparation de l’expérimentation du dispositif didactique en IC à partir de l’espagnol. De même, les Haïtiens pourraient collaborer avec les Cubains dans le proces- sus d’expérimentation de l’IC avec le créole haïtien. D’où la mise en place d’une forme d’échange de compétences et d’expertises pour une certaine durée à partir de modalités qui seront établies dans un document de convention. Expansion du CH dans la zone américano-caraïbe

Nous avons indiqué plus haut que le CH était privilégié dans leur expérience pour des raisons historiques. Avançons ici quelques faits : au début des années 1900, des entrepreneurs de la monoculture sucrière cubaine favorisèrent l’immigration d’ouvriers haïtiens en vue de constituer une main d’œuvre moins coûteuse. Mais aussi, après l’Indépendance d’Haïti, en 1804, d’anciens colons français ont émigré à Cuba avec leurs esclaves et des métis libres ou affranchis. Ils y seront connus sous le nom de « Franco-Haïtiens ».

Cela étant, il y a une population cubaine d’origine haïtienne non négligeable. Le nombre approxi- matif de cette frange de la population vivant particulièrement dans l’est du pays serait de 300 000 habitants environ. Dans cette région orientale, notamment dans les collectivités de « St-Barbara, Caritad, Pilon del Caroito, des descendants haïtiens s’organisent pour célébrer le carnaval, le rara (ou gaga) et des cérémonies vodouesques avec leurs houngans et mambos. Il y a aussi des groupes de théâtre, de danse, de musique, de tambourineurs, d’artisans et d’artistes mettant en valeur les traditions populaires haïtiennes ». Le créole parlé par les descendants d’Haïtiens est la deuxième langue parlée à Cuba après l’espagnol, langue officielle du pays.

http://www.lematinhaiti.com/contenu.php?idtexte=28134.

En plus de Cuba, le CH est très présent aux Bahamas et en République dominicaine (en particu- lier dans les provinces de Baharona, Higüey, La Romana, San Pedro de Macoris et Santiago de Los Caballeros) où il existe de micro-communautés créolophones (Bahamiens ou Dominicains d’origine haïtienne ou des Haïtiens y ayant émigré en quête de meilleures conditions de travail et d’existence). Plus d’un million et demi d’Haïtiens d’origine pratiquent la langue aux États-Unis en particulier en Floride et à New York où elle bénéficie d’une reconnaissance officielle (respectivement au début des années 2000 et en 2008). Plus de 200 000 créolophones haïtiens (et descendants) vivent au Canada, dans la province du Québec (à Montréal en particulier).

On comprend plus ou moins aisément pourquoi généralement quand il est question de partir d’une variété de CBLF pour établir un projet régional ou international commun c’est le CH qui est privilégié. Les gens considèrent ainsi le CH comme le parangon des CBLF. Cette expansion/ diffusion du CH est surtout favorisée par les migrations haïtiennes très fortes dans toute la région américano-caraïbe. Et ainsi, la langue conquiert de plus en plus de terrain et risque de devenir, à terme, l’une des langues (sinon la langue) les plus parlées dans l’espace caribéen notamment quand on sait qu’il y a peu ou prou IC entre le CH et les autres CBLF pratiqués dans les communautés de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane française, la Dominique, communautés sus-citées et que le CH contribue à renforcer la vitalité linguistique du CBLF qui y est pratiqué : la plupart des Haïtiens qui y émigrent n’étant guère francophones ou ne connaissant que très peu du français !

 

4.2. Institution d’une chaire caribéenne en IC

 

En droite ligne de l’urgence de la formation des collègues à intervenir dans l’établissement du dispositif, il pourrait être intéressant que les universités de la CORPUCA, en partenariat ou avec la participation de la UWI, inaugurent une Chaire caribéenne d’Intercompréhension de langues. Cette proposition a émergé lors d’un entretien avec Rita Gonzalez (Université de la Havane) que je remercie ici. Elle a coordonné le 2e séminaire tenu à Santo Domingo en 2012. Et l’idée a aussi été émise lors de la tenue de ce séminaire. Aussi peut-on lire dans le rapport qui en est sorti :

Le travail prévu doit continuer et c’est ce qui a été précisé à tous les participants à plusieurs reprises pendant les séances de travail. Le but est de mettre en place l’enseignement en intercompréhension des langues. Il a été prévu […] que chaque institution selon ses conditions et ses possibilités introduirait l’enseignement en intercompréhension de langues de façon à ce qu’un an plus tard on puisse faire un bilan de l’expérience du travail avec le groupe choisi pour l’expérience. On avait prévu que pendant quatre mois il y aurait le travail de préparation, puis la mise en place du cours, et à la fin d’un semestre de cours, le rapport d’évaluation de l’expérience.

Cette chaire, à créer à l’échelle de la CORPUCA, pourrait faciliter des échanges entre les dif- férentes universités impliquées. Cela constituerait un coup de pouce pour le développement du dis- positif qu’il conduirait à un niveau tel qu’il se mettra en place au fur et à mesure que les Caribéens prendront conscience que pouvoir communiquer partout dans la région est une nécessité. Mais vue que la CORPUCA ne gère aucun moyen financier, il serait important que cette chaire soit entretenue par les universités membres qui lintègrent dans leur cursus !

 

 

5. Organisation de cette formation en IC

 

Dans le cadre du fonctionnement de cette chaire caribéenne d’IC, il s’agira d’établir un proces- sus d’enseignement-apprentissage en présentiel partant des représentations et perceptions des locu- teurs des langues concernées, du projet, du phénomène communicatif qu’est l’IC. Dans un second temps, on pensera à l’intégration des TICE dans le processus, ce qui passera par l’établissement d’une plateforme dont les contributeurs principaux seront les animateurs de la chaire en question. Cette plateforme permettra une meilleure interactivité entre les collègues des différentes universités impliquées, y inclus les apprenants. La plupart des activités peuvent être organisées en visioconfé- rence soit de manière synchrone, soit de manière asynchrone suivant la planification qui aura été établie. Se pose alors la question de savoir quoi mettre dans la plateforme. Il est vrai qu’il faut une part d’originalité, mais il est tout aussi utile et nécessaire de partir des expériences de dispositif d’IC s’appuyant sur les langues romanes telles celles évoquées plus haut.

 

 

6. En guise de conclusion…

 

Il est important que la CORPUCA et l’AUF consentent d’élargir le projet d’IC à des institutions régionales caribéennes telles le CARICOM, l’AEC, la CELAC ou encore la BCD. Sa réalisation nécessite un budget substantiel quoique ce dernier soit de nature à être dilué dans le cadre du fonc- tionnement global des universités impliquées mais un apport extérieur à leur budget propre, lequel pourrait provenir, par exemple, des institutions caribéennes sus-évoquées constituerait un grand atout. Des sources de financement combinées d’origine d’institutions régionales caribéennes et une implication plus engagée de collègues confrontés aux réalités linguistiques de la région pourraient faciliter le déblocage de la situation.

L’implication et l’apport de la UWI qui est aussi une université plurinationale accueillant des étudiants de divers pays de la Caraïbe seraient considérables. D’autant que le fait qu’elle soit princi- palement de langue anglaise est déjà un atout pour le développement du dispositif à partir du schéma proposé ici. Que la UWI soit membre de l’AUF qui est l’un des partenaires forts du projet dès sa conception constitue déjà une certaine avance.

 

 

Références bibliographiques

 

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